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Sénégal : Khalifa Sall, Idrissa Seck… Comment exister dans une campagne ultrapolarisée ?

Au Sénégal, « certains candidats ont été laissés en rade », a alerté le Conseil pour l’observation des règles d’éthique et de déontologie (Cored), lundi 18 mars, appelant les médias à un traitement plus « équilibré » de l’élection présidentielle dont le premier tour doit se tenir dimanche 24 mars.
De fait, la campagne qui s’achève ce vendredi est demeurée polarisée autour de deux candidats : Amadou Ba, qui porte les couleurs de la majorité présidentielle, et Bassirou Diomaye Faye, celles des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), la principale force d’opposition dissoute en juillet 2023 par l’Etat. Un affrontement par procuration entre celui que le président sortant Macky Sall a choisi pour lui succéder et le bras droit d’Ousmane Sonko, dont la candidature a été invalidée suite à sa condamnation par la justice.
Alors que les regards sont braqués sur ses deux personnalités, les quinze autres candidats encore dans la compétition – Cheikh Tidiane Dieye et Habib Sy se sont désistés au profit de M. Diomaye Faye – parmi lesquels se trouvent des poids lourds de la vie politique sénégalaise, finissent de parcourir le pays au pas de course. Le temps de campagne a été raccourci à douze jours au lieu du délai normal de trois semaines après près d’un mois d’incertitudes sur le calendrier électoral, consécutif à la décision de Macky Sall, le 3 février, de reporter le scrutin qui devait se tenir le 25 de ce mois suite à des accusations de corruption contre des membres du Conseil constitutionnel.
Pour se démarquer de ces deux camps si opposés sur l’échiquier politique et attirer l’électorat, les autres prétendants au poste présidentiel se présentent volontiers comme une « troisième voie ».
« Nous sommes la seule formation qui peut ramasser des voix dans tous les camps puisque nous ne sommes pas des opposants radicaux dans le sens où nous n’avons aucun problème avec les gens du pouvoir mais nous sommes aussi très ancrés et respectés dans l’opposition », affirme Bruno d’Erneville, directeur de campagne d’Aliou Mamadou Dia, le candidat du Parti de l’unité et du rassemblement (PUR).
Visites à domicile, caravanes dans les rues et présence renforcée sur les réseaux sociaux, cette formation d’opposition, présidée par le chef religieux musulman Serigne Moustapha Sy, a été l’une de celles qui a su le plus mobiliser ces derniers jours. Le parti devra cependant chercher plus de voix en dehors du cercle confrérique après s’être placé à la quatrième place lors du scrutin présidentiel derrière Ousmane Sonko et l’ancien premier ministre Idrissa Seck.
Ce dernier qui s’était rallié au pouvoir en 2020 avant de revenir dans l’opposition s’était muré ces derniers mois dans un silence qualifié de « stratégique » par ses proches. Mais les dernières sorties, très sobres, de celui qui se proclame « chef de l’opposition » du fait de son score de 20,5 % à la dernière présidentielle ne rassurent toujours pas ses militants. « C’est peut-être l’effet de surprise dû à la polémique sur une date d’élection qui justifie son attitude, mais le” “Idy” [Idrissa Seck] de 2024 n’est pas le même que celui de 2019 qui drainait des foules. On a l’impression qu’il bat campagne juste pour la forme », souligne Al Hassan Ba, journaliste politique.
Dans l’un des moments forts de la campagne, l’ancien maire de la ville de Thiès a croisé dans son fief Khalifa Sall, l’ex-édile de Dakar et candidat de Taxawu Sénégal, avec lequel il partage bien des points communs. Les deux jouent en effet la carte de l’expérience et surtout de l’« apaisement » après trois années de tension entre l’ex-Pastef et le pouvoir qui ont fait plus de soixante morts selon Amnesty International. « Je ne suis pas le candidat de la revanche ni celui de la continuité », clame Khalifa Sall qui a annoncé jeudi le ralliement de 73 partis et mouvements à sa coalition et tente de ratisser large parmi les non alignés.
Karim Wade, le candidat du Parti démocratique sénégalais (PDS) recalé par le Conseil constitutionnel pour cause de double nationalité, avait annoncé mardi s’être entretenu avec l’ancien maire de Dakar dans le cadre de ses « réflexions » pour un éventuel soutien à l’un des prétendants à la course présidentielle. L’ancien ministre s’en est finalement remis à son père, Abdoulaye Wade, l’ancien président du Sénégal (2000-2012), qui a annoncé vendredi que son parti « a choisi d’apporter son total soutien à la coalition Diomaye Faye » pour le scrutin de dimanche.
Dans une élection très ouverte et dont peu d’observateurs s’aventurent à prédire une victoire au premier tour, toutes les consignes de vote sont scrutées de près. « La plus petite des voix pourrait faire la différence, les candidats en marge peuvent finalement être la clé en cas de deuxième tour », avertit le journaliste Al Hassan Ba.
Moussa Ngom(Dakar, correspondance)
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